Autour de la présence de Vera Sölvadóttir, jeune réalisatrice islandaise,
résidente à HÖFN durant 2 mois (15 mai-14 juillet 2015), se sont tissées peu à peu,
avant sa venue puis durant son premier mois à Marseille, l'idée puis la mise en place d'un événement:
une projection de court-métrages islandais qui donnent un aperçu parfaitement subjectif (les choix de Vera)
et néanmoins riche de sens et de variété, du jeune cinéma islandais.
A cette occasion, HÖFN a confirmé un partenariat jusque là très ponctuel et informel avec l'École d'Art d'Aix en Provence
qui a accueilli (au sens littéral et plein du terme) ce petit panorama du court islandais l'espace d'une soirée, le 17 juin 2015,
une date qui correspondait aux disponibilités de l'École, de Vera, au temps d'organisation nécessaire pour l'association HÖFN,
et qui s'est avérée, tout à fait par hasard et au final, être celle de la Fête Nationale de l'Indépendance en Islande...
ICI, LE PROGRAMME DÉTAILLÉ ou ici, en pdf: files/programmedetails.pdf
dans l'après midi ce jour-là, à l'École d'Art, essais dans l'amphi, rencontre entre Saga et Fanny...
Le public, composé de quelques étudiants de l'École, d' enseignants /artistes,
de représentants du Festival Tous Courts,
de divers amis, complices, partenaires de l'association HÖFN comme de l'École d'Art,
encore très réduit au départ, à 18 heures (une quinzaine de personnes) s'est largement étoffé au fil de la soirée
(jusqu'à une quarantaine de personnes, selon les moments et les disponibilités du public).
La fin prévue à 22 heures, fut effective au-delà de 22h30!
Chacun des 7 films, signés par 5 réalisatrices et réalisateurs, dont Vera Sölvadóttir,
a été présenté par celle-ci , brièvement, avant sa projection,
et chacun d'eux fut suivi des questions de l'audience,
et d'un échange extrêmement libre, toujours plus nourri et spontané,
entre Vera et les spectateurs.
Quelques exemples des thèmes abordés, en lien avec chacun des 7 court-métrages :
- Grímur Hákonarson : Bræðrabylta (Wrestling), 2007 :
Bien sûr, il fut mentionné en premier lieu que le deuxième long métrage de Grímur Hákonarson,
Hrutar (Rams/Béliers), sélectionné au festival de Cannes 2015,
venait de recevoir le prix "Un certain regard"...
Beaucoup de curiosité autour du sport national « glima » dont l'aspect chorégraphique,
formidablement mis en exergue par le film, a beaucoup ému les spectateurs,
une fascination manifeste pour le caractère « taiseux » des personnages
(les islandais expliquent-ils philosophiquement, théoriquement, sociologiquement, leur réserve et leur penchant vers le silence?),
des questions sur le monde rural islandais, une amorce de discussion à propos de la société islandaise face à l'homosexualité,
qui sera largement poursuivie après la projection du film suivant :
- Isold Uggadóttir : Góðir gestir (Family reunion), 2006:
Vera, en réponse aux questions centrées principalement sur ce thème,
mettra l'accent alors sur l'aspect autobiographique du film,
qui porte en 2006 tout le poids de la difficulté d'avouer son homosexualité
quand aujourd'hui, la majeure partie de la société islandaise semble avoir accepté, intégré,
dans ses lois comme dans la vie quotidienne, l'homosexualité féminine comme masculine.
- Isold Uggadóttir : Revolution Reykjavík, 2011
Une première question, face à cette femme emmurée dans son silence,
qui fit écho à ce qui fut dit déjà à propos de Bræðrabylta (Wrestling), et du caractère « taiseux » des personnages,
mais bien évidemment et surtout un désir manifeste chez le public d'information sur l' « état » actuel de l'Islande,
(plus que sur les événements qui se jouaient dans le pays fin 2008-2009) ;
Vera a dressé un tableau vivant de ce qui s'était passé précisément en Islande le jour-même de notre événement: mercredi17 juin 2015,
Fête Nationale de l'Indépendance islandaise, comme toujours marquée par le discours rituel du Premier Ministre,
mais qui fut, cette fois, tout au long, sifflé, hué par de nombreux islandais venus ce jour-là,
non pas parader, s'amuser, mais bien manifester haut et fort leur indignation...
Vera a mentionné les 2 gouvernements qui se sont succédés depuis la crise de 2008,
et comment le gouvernement actuel s'est fait élire sur la base de promesses finalement non tenues.
Face à un délitement manifeste de deux secteurs : Santé et Culture dans le pays aujourd'hui,
les Islandais ne cessent de manifester leur mécontentement,
et s'indignent du mépris et de l'indifférence affichés de l'actuel gouvernement face à leurs demandes et revendications.
On n'a jamais perçu dans la société islandaise une aussi grande différence de niveaux de vie entre riches et pauvres.
La question de l'existence ou non de syndicats en Islande fut posée,
à laquelle Vera a répondu qu'ils existaient bien, mais pas nécessairement pour toutes les filières.
En l'occurrence, il n'a jamais été possible, par exemple, de créer un syndicat lié aux métiers du cinéma,
tant les visions, besoins, envies des uns et des autres diffèrent...
- Katrín Ólafsdóttir : Slurpinn & co, 1998:
Présentant le film, Vera l'a aussitôt défendu avec passion, comme un tout premier exemple de « physical cinema » (cinéma chorégraphique?),
qui l'a, à l'époque où elle a découvert ce court- métrage, particulièrement fasciné.
Après la projection, il a été cette fois question de forme cinématographique,
un aspect jusque là peu, ou pas abordé par les spectateurs,
autour de l'acte fort décidé par la réalisatrice Katrín Ólafsdóttir :
un tournage/une chorégraphie en un seul et même plan.
Puis ce fut le temps de "l'entracte", un moment, comme nous le souhaitions, extrêmement convivial,
qui a permis un peu de repos pour certains,
de multiples rencontres (utiles, agréables, étonnantes...) entre les uns et les autres
autour d'un buffet provençalo-islandais (islando-provençal?) :
saumon fumé, ou mariné à l'aneth (qui se trouvait, en même temps que les court-métrages (!),
dans les bagages de Vera - merci à elle et sa maman, Hafdís Vilhjàlmsdóttir),
tapenades variées, clafoutis, vins et jus de fruits locaux...
APRÈS L'ENTRACTE
-Logi Hilmarsson : Þyngdarafl (Gravity), 2010:
Le film fut présenté brièvement, ainsi que son auteur -scénariste-monteur et réalisateur - d'origine franco-islandaise.
A noter durant la projection les rires, ici et là, des spectateurs :
sans doute le seul film, dans cette sélection, qui, sans être DU TOUT comique,
traitait de sujets qu'on pourrait qualifier de graves, sur un mode subtilement humoristique.
L'une des premières questions fut : « Est-ce que les cieux islandais sont véritablement aussi scintillants ? ».
La réponse de Vera : « Heu... oui, souvent, certainement »...
De fait, comme l'a précisé Dominique Poulain, coordinatrice de l'association HÖFN, le réalisateur, lors du montage/effets spéciaux, a aidé la nature...
La question qui suivit, justement, posait l'hypothèse d'une Nature propre à l'Islande qui deviendrait support, déclencheur principal de l'inspiration,
voire des thématiques et sujets souvent abordés dans le cinéma islandais...
Si cela n'apparaît pas nécessairement primordial dans le cas de Þyngdarafl (Gravity) aux yeux de Vera,
elle juge qu'en effet non seulement le Paysage Islandais, mais les caractéristiques/clichés attachées au pays (les volcans, les aurores boréales, les baleines …)
sont autant de pièges tendus aux réalisateurs, qui peuvent s'y complaire, les déjouer, en jouer, ou les éviter radicalement (pas assez, plus ou moins, trop radicalement?)...
Inévitablement fut questionnée aussi la relation au réel, au surnaturel, à l'invisible des islandais (sans doute le thème principal, parmi d'autres, de Þyngdarafl ).
Au-delà de cette question, Vera a rappelé qu'ayant fait ses études de cinéma en France (Sorbonne, à Paris),
elle s'est trouvée à son retour au pays dans une sensation de grand écart difficile à accommoder...
Il lui semblait (et lui semble encore aujourd'hui) que la culture islandaise n'est pas portée sur la théorisation de ce qui est fait, créé,
ou à faire, à créer, qu'il y a, sans doute, le manque d'une exploration philosophique des choses.
La création, dans tous les domaines, et celui du cinéma en particulier, en Islande,
repose d'abord et avant tout sur l'action, et l'intuition...
Un spectateur faisait remarquer néanmoins, que dans Þyngdarafl (Gravity),
si les faits bruts sont bien là, entre autres une fascination /croyance chez la jeune femme vis à vis des phénomènes extra-terrestres,
s'y ajoute en surimpression une mise en doute, une réflexion ouverte et multiple
sur d'autres lectures et expériences de vie et de conscience
portée autant par les deux autres personnages masculins que par le second degré humoristique qui parcourt le film.
Écho de la double identité culturelle du cinéaste Logi Hilmarsson (franco-islandais donc), ou reflet de son propre cheminement de pensée?...
-Vera Sölvadóttir : In search of Livingstone, 2014:
En présentant donc le premier des deux films dont elle est la réalisatrice et qu'elle avait sélectionnés pour l'occasion -de fait ses deux derniers films-,
Vera Sölvadóttir a été amenée à parler à la fois de la petite maison de production qu'elle a créée : « Wonderfilms »,
fondée en 2010, et de la difficulté de réaliser des films en Islande, particulièrement depuis la crise...
En ce qui concerne In search of Livingstone, le film put être réalisé grâce au Centre du Cinéma Islandais,
qui l'a largement aidé financièrement, et grâce au soutien d'une maison de production (avec laquelle Vera travaille encore actuellement) : DUO PRODUCTIONS.
S'il s'agit de l'adaptation libre d'une nouvelle (tirée d'une histoire vraie) de Einar Kàrason, extraite du livre: « Mér er skemmt »,
elle faisait aussi très directement écho à des interrogations et une colère propres à Vera (pourtant non fumeuse!) à ce moment-là :
une -fâcheuse- tendance au politically correct, une focalisation donc en Islande sur la guerre anti-tabac,
qui apparaissait comme un sujet « crucial » de débat, (jusqu'au point d'imaginer interdire toute image de fumeurs dans les films...)
quant il eût fallu plutôt s'attaquer aux grands problèmes sociaux et économiques qui assaillent l'Islande à l'heure actuelle...
Après la projection du film, Vera a nettement approuvé la question qui lui a été posée
sur son désir manifeste dans ce film de coller au plus près à la forme-même des road-movies américains,
ajoutant qu'il a été réalisé, de fait, à la suite d'une immense virée en mustang décapotable de location
à travers les États-Unis qu'elle avait vécue elle-même,
qu'il lui a d'ailleurs semblé durant le tournage que l'Islande et ses grands espaces
se prêtaient aussi bien que l'Amérique à la forme-même du road-movie.
Il lui a été demandé qu'elles étaient ses « références » (pour ce film et en général),
si elle en avait... une question aussi difficile qu'attendue, mais à laquelle elle a répondu spontanément : …Wim Wenders (!) et Aki Kaurismäki, entre autres...
La grande première mondiale de ce film, (toujours très demandé dans divers festivals) nous a précisé aussi Vera,
a eu lieu à Clermont-Ferrand, un festival du court qu'elle a trouvé d'unE extraordinaire qualité.
-Vera Sölvadóttir et Helena Jónsdóttir (co-réalisatrices), Gone, 2014
… le dernier des films présentés ce soir-là, mais aussi le dernier dans la filmographie de Vera Sölvadóttir,
important comme tout « dernier-né », à bien des titres , comme l'a souligné la réalisatrice :
- elle y a expérimenté pleinement la relation entre danse-corps-gestuelle-cinéma,
- elle a obtenu l'autorisation de tourner dans un lieu mythique pour les islandais, mais surtout magnifique à ses yeux :
la maison -et son extérieur avec piscine- de Halldor Laxness (prix Nobel de Littérature islandais en 1955),
- l'acteur principal, et unique, Ingvar E. Sigurðsson, est celui qu'elle VOULAIT,
parce que sans être danseur, sa présence physique, son rapport corporel aux choses, à l'environnement,
la force naturelle, et l'impact alentours qui émane de chacun de ses gestes était PRÉCISÉMENT ce qu'elle recherchait, attendait...
Helena Jónsdóttir, danseuse, chorégraphe, vidéaste, a elle-même une approche particulière de la danse.
Á SES YEUX, ON EST TOUS DANSEURS...
(Elle a, de fait, il y a des années offert à son... plombier l'occasion de DANSER dans son premier court-métrage).
Helena, comme Vera se sont avouées mutuellement être tombées amoureuses de Ingvar E. Sigurðsson,
tant l'élégance et la force de la gestuelle de cet acteur (qui n'est PAS un danseur) les a séduites.
La présence de cet homme/ce personnage, seul dans cette maison, assez énigmatique (est-il bien là, réellement, ou non?),
est à imaginer, pour Vera, comme celle de... Boucle d'Or dans la maison des ours...
Les spectateurs ont été visiblement impressionnés par le « décor » (que Vera, de fait, nous a dit considérer comme le deuxième personnage du film).
Rien n'a été changé dans cette extraordinaire maison, (décorée par Halldor Laxness et sa femme Auður), pour le tournage.
C'est aussi, avec ce film, la première fois que le Centre du cinéma Islandais, a subventionné la maison de production de Vera : Wonderfilms.
Ce film sans parole, dans la gestuelle avant tout, est ce vers quoi Vera voudrait tendre désormais...
La petite fille de Vera, Saga, a participé aux applaudissements et clôturé la soirée avec nous...
Vera Sölvadóttir et Dominique Poulain (Association HÖFN) tiennent à remercier chaleureusement:
- Gunnar Egill Daníelsson: info@icelandicfilmcentre.is, (responsable administratif du Centre du Cinéma Islandais) ,
qui a relayé l'information concernant l'événement « DANS LES BAGAGES DE VERA » en Islande, et nous a communiqué diverses informations utiles,
- Christof Wehmeier, christof@icelandicfilmcentre.is, (responsable de la promotion des films dans le cadre de festivals au Centre du Cinéma Islandais) ,
sans qui nous n'aurions pas pu projeter tous les films prévus (!)
Elles souhaitent aussi manifester toute leur reconnaissance face à l'accueil chaleureux et efficace qui leur fut fait à l'École d'Art d'Aix en Provence, par:
- Jean-Paul Ponthot (directeur de l'École d'Art d'Aix en Provence) lors de cette première amorce de partenariat entre l'École et l'association HÖFN
- Julie Karsenty (relations internationales et recherche : karsenty@ecole-art-aix.fr), qui nous a indiqué immédiatement pistes et contacts judicieux
- Joël Belouet (Relations extérieures et partenariat : communication@ecole-art-aix.fr), pour la communication et l'organisation en relais de notre événement
- Charles de Rosamel (Régie) pour l'assistante technique avant et pendant les projections de films,
- Wilfried Legaud (assistant vidéo) qui nous a grandement facilité des premiers liens établis avec Laurence Vivarelli, directrice de la programmation, Jean-Paul Braud, délégué général, Patrick Dorflein co-fondateur du Festival Tous Courts
- Jean Cristofol (enseignant philosophie, épistémologie), pivot entre HÖFN et l'École, les enseignants, les étudiants, mais aussi chauffeur, transporteur, manutentionnaire...
- Fanny Spano (étudiante diplômée DNAP ), première babysitter officielle et … fort attentionnée de Saga, la petite fille de 11 mois de Vera, durant la totalité de cette soirée ! SA PRÉSENCE FUT PRÉCIEUSE !